La guerre en Ukraine aura fait des dizaines de milliers de morts, brisé des familles, ruiné un pays, et rien ne pourra jamais justifier ni excuser cette agression. Elle aura toutefois permis d’ouvrir les yeux des dirigeants et des media européens. En moins d’un an, le sujet de l’énergie et du changement climatique ont enfin obtenu l’attention nécessaire à une transformation radicale de notre rapport avec notre environnement, et plus particulièrement ses ressources. On commence enfin à comprendre que notre mode de vie occidental repose sur la surabondance et l’exploitation des énergies fossiles et autres ressources naturelles, et que celles-ci ne sont pas inépuisables. Viendra un jour où il faudra s’en passer, et ce jour n’est peut-être pas si loin.
D’autre part, La canicule particulièrement virulente de cet été 2022 nous a mis face à notre insouciance et notre irresponsabilité. Il y a un prix à payer pour avoir considéré la planète comme un exutoire naturel de tous nos déchets.
Ces deux événements (canicule et guerre) ont également permis d’élever les débats sur le sujet de la transition énergétique. Face à l’arrêt de la fourniture de pétrole et de gaz venant de Russie, les modèles de transitions[1] présentés comme exemplaires et vertueux par les groupes écologistes, repris allégrement par tous les média, ont montré leur insuffisance, voire leur incapacité, à répondre à la crise. Les citoyens européens réalisent subitement que leur confort – et leur alimentation - repose sur un baril de pétrole et de gaz et qu’il ne sera pas aussi facile de s’en passer.
Réjouissons-nous de voir enfin de vrais experts, comme Jean-Marc Jancovici ou Maxence Cordiez, pour n’en citer que deux, être invités sur des plateaux télévisés de grande audience. Réjouissons-nous que RadioFrance fasse de la crise climatique un axe éditorial majeur[2].
En quelques mois le monde a changé. N’est-il pas stupéfiant de constater que la pandémie du COVID 19[3], la guerre en Ukraine et la récente canicule ont permis plus d’avancées que 26 ans de COP ?
Lors de mon passage au World Business Council Sustainable Development en tant que directeur Climat et Energie, j'ai découvert un monde où une constellation d'organisations variées, d’ONG, de think-tank, d’agences de consulting, gravitait autour de la Conférence des Parties (COP), qui est la réunion annuelle des États pour fixer les objectifs climatiques mondiaux. Je connaissais la COP et l'implication des États dans la définition des objectifs climatiques, mais j'étais loin de me douter de la multiplicité des organisations qui participaient à ces messes annuelles. La COP de Glasgow en 2021 a réuni plus de 30 000 personnes venues des quatre coins de la planète.
Ce qui m'a le plus étonné en participant à ces réunions, ce fut la répétition inlassable des mêmes messages, des mêmes recommandations, des mêmes actions, sans que jamais n’en soit évoquée la faisabilité matérielle, sociale et économique. C’est comme s’il suffisait de répéter que le monde allait éliminer les énergies fossiles dans les prochaines 30 années, que la quasi-majorité de l'électricité allait être produite grâce au solaire et à l’éolien, que toutes les voitures sur la planète seront électriques, que l’utilisation des forêts pour capturer du carbone présent dans l’atmosphère allait contribuer de manière significative à la lutte contre le réchauffement climatique, pour que cela devienne une vérité absolue, incontestable, non discutable. Ces vérités étaient érigées en dogmes. La simple évocation que ces alternatives aux énergies fossiles pourraient également avoir des impacts négatifs sur la planète était vue comme une trahison à la cause. Situation difficile à tenir pour un scientifique.
Pour nombre de ces organisations pro-climat, la priorité est de convaincre les multinationales à s'engager sur des feuilles de route de neutralité carbone pour 2050, plutôt que d'exiger de ces mêmes entreprises une évaluation correcte et une communication transparente de leur empreinte carbone[4]. Si l’on peut se féliciter qu'en 2020 plus de 1000 entreprises se soient engagées à une neutralité carbone en 2050, on peut toutefois regretter que seules quelques-unes soient capables de publier un bilan carbone crédible et complet[5].
Étonnamment, très peu d’actions été orientées vers le grand public et les politiciens. Sans le consentement de la population – et cela se prépare – et sans l’action règlementaire – et cela prend du temps - rien de vraiment significatif ne pourra se faire. Aussi ironique que cela puisse paraitre, ces messes annuelles et autres conférences sur le développement durable ont plus maintenu un statu quo que permis à nos sociétés d’éviter les catastrophes climatiques et écologiques à venir. Il y a malheureusement plus de communication que de science dans ces événements.
Mais nous pouvons toujours nous dire que sans tous ces événements, ça aurait été pire.
Si les choix de société reviennent aux citoyens et aux politiciens, il est en revanche crucial qu’ils soient décidés en connaissance de cause. Que l’on réalise que tous ces choix présentent des avantages et des inconvénients et qu’ils doivent être quantifiés de manière rigoureuse, sur la base d’une analyse de cycle de vie, , autant que faire se peut, afin d'éviter que les solutions d'aujourd'hui ne soient les catastrophes de demain.
La plupart des pays européens, fortement motivés par la Commission Européenne avec son green deal et son pack vert[6], ont maintenant placé la transition énergétique et écologique en haut de leur agenda. C’est un moment historique, encore faut-il que nos décideurs aient conscience des ordres de grandeurs auxquelles nous faisons face (éteindre son WIFI la nuit ne va pas sauver la planète, ne plus utiliser sa voiture davantage). Remplacer les énergies fossiles va être long et douloureux, surtout pour les classes sociales les plus vulnérables. Et aucune alternative disponible à ce jour n’est ‘verte’.
Il est surtout impératif que les faits scientifiques aient une place prépondérante dans l’analyse des options envisagées.
Par le biais de ce blog, je veux apporter ma contribution à la compréhension des enjeux liés aux directions que nous prendrons et éviter que des choix précipités, mal documentés, ne conduisent aux catastrophes de demain. Je donnerai une part importante à la présentation de faits, de données calculées et vérifiées. Tous les chiffres qui seront présentés dans les articles à venir sont issus soit des rapports les plus récents d’organisations internationales (GIEC, PNUE, AEI, FAO, OCDE, etc.)[7], soit de publications scientifiques issues de revues reconnues, avec comité de lecture, et faisant elles-mêmes la synthèse des recherches les plus récentes sur le sujet. Toutes les références seront présentées au fur et à mesure de la lecture en notes de bas de page.
Je partagerai également mon point de vue, et celui-ci sera donc très personnel et contestable
A suivre……
Je me tiens bien sûr à votre disposition pour répondre à vos questions si vous le souhaitez.
[1] Comme, par exemple, celui mis en place par l’Allemagne depuis plus de 20 ans avec plus de 500 milliards d’investissement dans les énergies renouvelables, abandon total du nucléaire, mais recours massif au charbon et gaz pour compenser l’intermittence de ces énergies.
[2] https://www.radiofrance.com/presse/radio-france-engage-un-tournant-environnemental
[3] La pandémie s’est traduite par environ 5% de diminution des gaz à effet de serre au niveau mondial, bénéfice malheureusement annulé depuis. Pour éviter un réchauffement de plus de 1,5 à 2°C, c’est 5% par an pendant 30 ans qu’il nous faudrait mettre en place.
[4] Empreinte carbone ou bilan carbone : correspond à la somme des émissions de GES des scopes 1, 2 et 3 comme défini dans le GHG https://www.wbcsd.org/Programs/Climate-and-Energy/Climate/Resources/A-corporate-reporting-and-accounting-standard-revised-edition.
[5] https://www.cdp.net/en/companies/companies-scores
[6] https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal/delivering-european-green-deal_fr
[7] GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; PNUE : Programme des Nations Unis pour l’Environnement ; IEA : International Energy Agency ; FAO : Food and Agriculture Organisation ; OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
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