Près de 60% des émissions de CO2 sont dues à la combustion du charbon et du gaz dans les centrales électiques et la contribution de ce secteur n’est malheureusement pas près de diminuer : en 2022, la construction de nouvelles centrales électriques au charbon et au gaz a ajouté plus de 457 et 615 gigawatts de capacité, respectivement[1]. Avec une durée de vie de 50 ans, les centrales électriques au charbon, à elles seules, produiront 175 Gt de CO2 d'ici à 2040[2]. Si l’on ajoute les émissions des nouvelles centrales à gaz, on arrive à environ 300 Gt de CO2.
Pour rester en dessous de 1,5 °C, notre budget carbone est d’environ 400 Gt, à peine plus que les émissions de ces futures des centrales électriques !
Figure : Émissions de CO2 des centrales à charbon et à gaz en 2020[3] et capacité totale de capture et de séquestration du CO2 (centrales électriques à charbon et gaz, production de ciment et d'acier, production d'hydrogène à partir de combustibles fossiles, incinération des déchets)[4].
Pourtant, les techniques de capture et séquestration du CO2 (CCS[5]) émis par les centrales à charbon et gaz existent depuis plus de 20 ans, avec une efficacité de 95% de réduction en bout de cheminée (60% de réduction si l'ensemble du cycle de vie des installations de captage et de séquestration est pris en compte)[4].
Mais ces technologies sont encore sous-utilisées pour combattre la crise climatique : plus de 29000[6] centrales électriques fonctionnant aujourd’hui au charbon ou au gaz ; seules 2 sont équipées des techniques de CCS[2].
Comment a-t-on pu négliger cette solution, alors que l’on cherche par tous les moyens à réduire nos émissions ?
Une des raisons est bien entendu économique : installer des systèmes de captage et de stockage coûte très cher. Un déploiement massif coûterait près de 1000 milliards de dollars[2]. Elle est aussi réglementaire : aucune réglementation au niveau mondial et/ou national n’exige que les nouvelles centrales électriques, ni les anciennes, soient équipées de cette technologie. Pourtant, selon l'agence internationale de l'énergie (IEA), le dispositif de capture et de séquestration du carbone (CCS) peut être installé sur installations existantes[7], qui permettrait une réduction jusqu’à 300 Gt de CO2 au cours des 5 prochaines décennies.
Enfin, ce qui a considérablement limité l'adoption de ces technologies, c'est l'opposition farouche de certains lobbies qui considèrent que les autoriser revient à donner le droit de continuer à polluer. Résultat des courses : l'utilisation du gaz et du charbon pour fabriquer de l'électricité est responsable de la grande majorité des gaz à effet de serre que nous avons émis au cours des 40 dernières années. Et si rien n’est fait pour imposer cette solution, la contribution du secteur de l'électricité va continuer à peser très lourd sur notre empreinte carbone !
Pour obtenir des résultats significatifs, il n'est même pas nécessaire d’imposer cette technologie à toutes les centrales électriques au charbon et au gaz. Il suffirait de se concentrer sur les 5% les plus polluantes au monde qui sont responsables à elles seules de près de 73% des émissions de ce secteur[6].
Selon L’IEA, le captage du carbone et la séquestration du CO2 pourrait contribuer pour environ 15% à la réduction globale des émissions de CO2 d'origine d'ici 2060. Il serait alors le 3eme levier le plus efficace après l'efficacité énergétique (40%) et le développement des énergies renouvelables (35%).
Si les techniques de CCS ne doivent pas ralentir le déploiement à grande échelle des énergies bas carbone, comme les énergies renouvelables, elles ont un rôle crucial à jouer pour limiter les émissions des pays aux économies émergentes, qui elles, n’auront peut-être pas accès à grande échelle aux technologies bas carbone immédiatement.
Agissons local, mais pensons global !
[1] https://globalenergymonitor.org/report/boom-and-bust-gas-2022/ [2] IEA. The role of CCUS in low-carbon power systems. (2020). [3] https://ourworldindata.org/emissions-by-fuel [4] UNECE. CARBON CAPTURE, USE AND STORAGE (CCUS). (2021) [5] Ne pas confondre CCS qui consiste à capter le CO2 en bout de cheminée des centrales à charbon et gaz avec BECC (Biomass Energy with Carbon Capture and Storage) et DACC (Direct Air Carbon Capture and Storage). Voire note 1 pour plus de détail. [6] Grant, D., Zelinka, D. & Mitova, S. Reducing CO2 emissions by targeting the world’s hyper-polluting power plants. 106. Environ Res Lett 16, 094022 (2021). [7] IEA. Special Report on Carbon Capture Utilisation and Storage. CCUS in clean energy transitions. (2020).
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